De retour en France après une victoire et un record historique sur la mythique Hardrock 100 aux États-Unis, l'ultra-traileur français répond à nos questions à l'occasion du Hoka Trail Camp réunissant les athlètes du team de la marque américaine. L'occasion de faire le point sur la saison exceptionnelle du coureur de 49 ans avant de prendre le départ de son UTMB dans un peu moins d'un mois.
Discussion enregistrée le lundi 29 juillet 2024 à Argentière, commune de Chamonix-Mont-Blanc.
« Suite à notre entretien au mois d'avril, tu nous parlais d'une petite douleur qui te gênait. Tu as finalement pu participer à l'une des courses UTMB® en Argentine où tu termines deuxième. Comment s’est passée cette expérience en Amérique du Sud ?
À ce moment-là, oui, je parlais d'une douleur parce que j'avais été blessé en ski-alpinisme en février. Une déchirure partielle d'un tendon. Donc je suis parti pour l'Argentine avec cette petite appréhension de me blesser à nouveau, mais au final la course s'est bien passée et après ça, c'en était fini de la blessure. C'était un peu comme une "course voyage" durant laquelle j'ai été très surpris. D'abord par le froid, mais aussi par le profil très roulant du parcours auquel je ne m'attendais pas forcément. La dernière partie était bien plus technique et c'est là que j'ai pu faire la différence et revenir sur les coureurs locaux jusqu'à la deuxième place. Une course difficile donc, mais je savais que l'objectif restait la Hardrock 100 qui allait suivre.
Tu as enchaîné avec cette "petite course" aux États-Unis il y a deux semaines, et tu y as tout explosé. Comment s’est passé ta Hardrock 100 2024 ?
C'était ma première participation en tant que coureur. L'année dernière, j'étais pacer pour Aurélien Dunand-Pallaz. Ça faisait cinq ans que je tentais ma chance à la loterie pour avoir ce dossard ! Cette attente que cela créé et la rareté des dossards permettent d'avoir une course où tu te retrouves à seulement 145 coureurs au départ, et que tu as surtout vraiment envie de préparer. Tu sais que ne la courras peut-être qu'une fois ! Alors j'ai essayé de tout mettre en place pour faire la meilleure course possible, et même tenter de nouvelles choses à l'entraînement. Au final on peut dire que ça ne s'est pas si mal passé que ça (rires).
Qu’as-tu mis en place à l’entraînement pour arriver dans une telle forme à Silverton ?
D'abord, comme je travaille encore à 60 % en parallèle de ma pratique, j'ai un peu plus travaillé en début d'année pour pouvoir être libre et véritablement focus sur la préparation au moment venu. Le 14 juin, je suis parti sur le lieu de la course, dans le Colorado, pour continuer mon acclimatation à l'altitude à quelques semaines du départ, après avoir déjà réalisé trois semaines en tente hypoxique à la maison pour préparer mon organisme. Une fois sur place, il me restait un mois pour faire la reconnaissance complète du parcours que j'ai faite en mode "Softrock", c'est-à-dire en étapes, en marchant, avec un sac à dos pour pouvoir dormir, et manger. C'est une expérience très particulière de se retrouver seul comme ça dans ces montagnes, avec personnes à qui parler ni aucun signe de vie pendant des heures hormis les animaux sauvages. De temps en temps, tu rejoins des villages tout de même. J'ai dormi dans l'un d'eux un soir, et fait une pause à une source d'eau chaud après avoir mangé un bon hamburger ! Et puis c'était reparti. J'ai donc d'abord été "Softrocker" avant d'être "Hardrocker".
Finalement c'était une préparation de laquelle j'étais très content, avec beaucoup de volume plus lent, mais aussi plus proche de l'échéance. D'habitude, je le coupe à trois semaines de la course. Là, je terminais une semaine à 200 kilomètres à moins de 15 jours du départ. Mais ce n'était pas si mal au final. Sur ultra-trail, tu apprends sans cesse, et il n'existe pas de méthode toute faite qui puisse correspondre à tout le monde. Il y a peu de généralités. C'est à chacun d'expérimenter, et c'est ce que je continue de faire.
« Comme je travaille encore à 60% en parallèle de ma pratique de l’ultra, j'ai un peu plus travaillé en début d'année pour pouvoir être libre et véritablement focus sur la préparation au moment venu. J’ai dormi pendant trois semaines en tente hypoxique à la maison pour préparer mon organisme à la haute altitude. »
Ludovic Pommeret
Tu as fait tomber le record de l'épreuve que détenait l'espagnol Kilian Jornet. Est-ce que c'était un objectif pour toi ?
Pas du tout. En tout cas, pas avant les quinze derniers kilomètres de la course. Je ne pensais pas pouvoir aller sur de tels temps de passage. J'avais établi les miens sur 24 heures, par sur un temps record ! Mais pour la petite anecdote : quelques minutes avant le départ, j'ai téléphoné à mon coach (parce que c'est le genre de course où, à dix minutes du coup de pistolet, tout le monde n'est pas encore en place) et il m'a simplement rappelé de faire ma course, sans regarder les autres, et que je reviendrais sur la fin. Et c'est comme ça que j'ai fini par me retrouver seul en tête. Je me sentais bien, mais je savais qu'il y avait de sérieux rivaux derrière, comme François D'Haene par exemple, dont je n'ai appris l'abandon qu'une fois arrivé tant je voulais rester concentré sur mon effort. Et c'était pareil avec mon pacer qui m'a rejoint plus tard sur la course et avec mon équipe : je leur ai tout de suite dit que je ne voulais connaître aucun écart pour rester centré sur mes sensations jusqu'au bout. C'est finalement ma femme qui a craqué au dernier ravitaillement et qui m'a dit que j'étais en avance sur le record. Alors là, oui, on y a pensé et on a quand même poussé sur les derniers kilomètres !
Le plus fou, c'est que je connaissais les temps de passage de Kilian sur la toute dernière partie montante du parcours sur laquelle il avait été très rapide lors de son duel avec François D'Haene en 2022. Même à l'entraînement, j'étais incapable de courir aussi vite sur ce tronçon. Finalement, ça n'est pas passé de beaucoup, mais c'est passé !
Sur des courses comme la Hardrock 100, les records restent anecdotiques. Ça n'est pas pour ça que tu y participes. Rien que par rapport au fait que d'une année à l'autre, les conditions météorologiques peuvent changer du tout au tout et les chronos ne pas être comparables. Mais il semblerait que l'année où Kilian établissait son nouveau record, les conditions étaient très similaires à celles de cette année. Donc...
Comment fais-tu pour récupérer après un tel effort, sachant que tu seras au départ de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc dans un mois ?
Je prends des vacances ! Je profite de cette période pour faire quelques randonnées avec ma femme et reprendre le volume vraiment progressivement. J'ai recommencé à faire des sorties longues la semaine dernière, mais ça reste du trail touristique qui permet de prendre du bon temps en montagne. Une préparation, ça sert aussi à ça.
Quel va être ton objectif sur l'UTMB cette année ?
J'espère faire mieux que lors de ma toute première participation il y a 20 ans ! En 2004, c'était mon premier UTMB alors cette année, ça fait sens de prendre le départ pour la neuvième fois. Ça va être une édition de célébration pour moi, mais je vais tout de même mettre un gros mois de préparation en amont pour avoir les meilleures sensations possibles et pouvoir vraiment en profiter. Je suis déjà très heureux que la Hardrock 100 ce soit aussi bien passée, mais si cet UTMB peut également être une belle course, je ne m'en priverais pas. On n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise. En tout cas, j'y vais sans pression par rapport à la performance.
Tu collabores depuis de nombreuses années avec HOKA. Quelle est aujourd'hui ton modèle d'entraînement favori, et pour quelle(s) raison(s) ?
Je suis avec HOKA depuis la création de la marque, effectivement. Avant même qu'elle ne soit officielle d'ailleurs, en 2009. À la Hardrock 100, je courais avec un prototype de la nouvelle Tecton x 3 que j'adore pour la compétition et que le grand public pourra très bientôt découvrir. Mais à l'entraînement, je donne toujours la priorité au confort, surtout lorsque je prépare un ultra trail. Donc je conseillerais à n'importe quel(le) aspirant(e) ultra-trailer de faire de même sur une préparation. Et dans mon cas, c'est avec la Speedgoat que je fais le plus de kilomètres. »
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