Entretien avec la spécialiste du 1500 mètres — Bérénice Cleyet-Merle suite à l'annonce de sa non-sélection* aux Jeux Olympiques de Paris cet été par la Fédération Française d'Athlétisme (FFA). On a également pu échanger sur sa saison, son entraînement et la manière dont elle est parvenue à atteindre le plus haut niveau national.
*Qualifiée par World Athletics au ranking, mais invitation refusée par la FFA pour non respect des modalités fixées en début de saison.
« Comment vas-tu et comment as-tu réagi au choix de la FFA de ne pas t'emmener au Jeux à Paris ?
Ça m'était déjà arrivée avant Budapest l'an dernier, et je n'avais pas dit grand chose (qualifiée via les critères World Athletics, mais refusée par la FFA). Je ne m'étais pas trop attardée sur ça parce que je me suis dit que l'objectif c'était les Jeux Olympiques. Comme les modalités en France, c'est un peu compliqué, je visais uniquement les minima pour être sûr d'être retenue. Malheureusement, lorsque j'étais aux championnats d'Europe (à Rome en juin 2024), je me suis "pété" les ligaments en chambre d'appel juste avant d'entrée sur la piste. C'était vraiment horrible. J'ai essayé de me battre jusqu'au bout et de ne pas me morfondre. J'ai appelé le directeur de l'ANS (Agence Nationale du Sport) et le Comité Olympique qui m'ont dit que c'est la FFA qui aurait le dernier mot. Au sein de la FFA, certains étaient d'accord pour m'intégrer à la sélection, d'autres moins. En fait, je pense que lorsqu'ils ont écrit leurs modalités en début de saison, ils étaient dans un "mood" différent de celui de maintenant. Depuis la sortie de la liste, j'ai pris deux semaines pour moi, hors des réseaux sociaux, et c'est pour cette raison que je n'ai communiqué que cette semaine.
As-tu de l'amertume aujourd'hui envers ta propre fédération ?
J'ai de l'amertume parce que ça aurait été une manière de nous montrer qu'ils nous supportent, qu'ils ont confiance en nous. Je pense vraiment que depuis les championnats d'Europe à Rome — il y a eu un changement dans leur mentalité, malheureusement c'est un peu tard ! Mais aujourd'hui, il va y avoir une commission des athlètes qui va se former. Elle existe déjà mais elle ne servait pas à grand chose. Et là, visiblement, il y aura plus de poids et c'est pour cette raison que je compte me présenter pour faire bouger les choses. Si ce n'est pas pour moi, j'espère que ça servira au moins aux autres pour les années à venir !
"Ce qui m'a aidé c'est le fait d'être entourée d'un groupe de haut niveau. Tout l'entourage tend vers la performance et ça aide vraiment pour progresser."
Bérénice Cleyet-Merle
On voit qu'il y de plus en plus d'athlètes qui sont en désaccord avec la politique de la fédération, quel est ton avis ?
C'est vrai qu'avant on avait un peu peur de parler et aujourd'hui plus les gens parlent et plus les langues se délient. Avant, il n'y avait que les minima, et aujourd'hui World Athletics a décidé d'élargir avec le ranking que tout le monde comprend désormais. Malheureusement, jusqu'à présent la fédération n'évoluait pas vraiment dans ce sens-là. Forcément ça nous énerve, au niveau personnel et au niveau de notre carrière ! On perd énormément comme des contrats ou des bonus financiers qui pourraient nous permettre d'être dans de meilleures conditions l'année suivante. Malheureusement, des cas comme ça peuvent briser des carrières ou dans mon cas, des rêves.
Tu parlais des Championnats d'Europe avant, que s'était-il passé exactement ?
C'était deux minutes avant la chambre d'appel et je me suis dit que j'allais faire une dernière ligne droite. Je me souviens, j'étais vraiment en forme et les lignes étaient vraiment rapides. Sur l'intérieur de la piste il y avait la lisse qui était assez haute, et pour ne pas gêner je voulais rentrer à l'intérieur et là ça a craqué. On m'a porté pour aller en chambre d'appel, et on m'a strapé mais j'avais énormément mal. Tellement mal que c'est l'Italienne Ludovica Cavalli qui m'a mis la chaussure. Au moment de la course : je me suis souvenu d'un reportage de Camille Lacourt (champion de natation) qui disait avant un championnat du monde qu'il était prêt à avoir plus mal que les autres. J'ai tenu 1300 mètres, mais je n'ai pas pu terminer. Au final, j'ai quand même une rupture du ligament et deux lésions...
Tu as rejoins Adrien Taouji (ton entraîneur) en 2022 et tu as passé un vrai cap depuis. Qu'est-ce qui a changé ?
Déjà, le gros changement c'est d'avoir une confiance aveugle en son entraîneur. Mes anciens coachs qui étaient deux Américains, étaient tops mais je n'avais pas non plus une confiance aveugle. On était 40 athlètes et on avait tous les mêmes plans, alors que Adrien individualise les plans d'entraînement. Dès mon arrivée, il m'a aussi fait comprendre que la musculation était très importante, que ça ne te rend pas gros ou plus lourd mais au contraire ça permet de t'affuter. De te rendre plus performante en fait ! Je n'étais pas la plus fine du paquet, donc je n'osais pas en faire. Finalement, c'est le secteur où je suis la plus forte. La musculation permet de réduire le risque de blessure et de travailler ma puissance.
C'est quoi l'élément clé de ta progression ?
Je n'ai pas envie de dire que c'est le fait de m'être professionnalisée puisqu'aux Etats-Unis (où elle a fait ses études) on s'entraînait déjà comme des professionnels. Ce qui m'a aidé : c'est le fait d'être entourée d'un groupe de haut niveau. Tout l'entourage tend vers la performance et ça aide vraiment pour progresser. Pour moi, la clé de ma performance, c'est Adrien (Taouji — son entraineur) et le groupe autour de soi qui inspire comme Renaud (Clerc), Aude (Clavier) ou Jimmy (Gressier), par exemple.
Tu penses qu'aujourd'hui les nouvelles technologies ont permis de faire évoluer considérablement le niveau ?
Absolument, avec les nouvelles chaussures — les athlètes peuvent s'entraîner davantage grâce à l'économie musculaire. Le carbone peut palier le manque de pied aussi je pense donc c'est sur que ça aide. Et même la wavelight sur les meetings pour les lièvres, je trouve ça incroyable. Enfin, je pense que même le ranking c'est une bonne chose. Les athlètes courent davantage, il y a plus de niveau sur les courses, et je suis persuadée que ça aide vraiment de faire davantage de compétitions.
"Le risque c'est d'en faire trop quand on est jeune et de ne plus voir certains athlètes lorsqu'on passe en espoirs ou en seniors, alors que le haut niveau commence seulement à ce moment là."
Bérénice Cleyet-Merle
Au niveau des chaussures, quelles sont tes préférences ?
Ma chaussure préférée c'est les Nike Streakfly ! Même pour du seuil ou du tempo je préfère cette chaussure. Je ne sais pas pourquoi mais les Vaporfly me donnent des crampes aux mollets, par exemple. Je cours mieux avant et même François Chiron (scientifique à l'INSEP) a regardé à la vidéo et m'a indiqué que je courrais mieux avec les Streakfly. Par exemple là, je suis chez mes parents, j'ai uniquement emmené les Nike Streakfly et les Pegasus Turbo. Sur la piste en terme de chaussures à pointes, je cours principalement avec les Nike Victory 2. C'est vraiment les meilleures ! Je trouve qu'elles réagissent mieux et qu'elles sont plus rapides que les Dragonfly. J'adore les sensations avec !
Comment estimes-tu ta saison avec du recul ?
Franchement, j'estime que j'ai raté ma saison ! Si j'avais su que j'allais me blesser à Rome, j'aurai fait des choix de courses différents. Mais bon, apparemment c'est les aléas du sport de haut niveau. Et moi ça ne fait que deux ans que j'en fais du haut niveau. C'est une sensation amère, c'est la première fois mais pas forcément la dernière...
Un conseil pour une jeune fille qui souhaite faire du haut niveau en demi-fond ?
Il faut vraiment prendre du plaisir au début. Le risque c'est d'en faire trop quand on est jeune et de ne plus le voir lorsqu'on passe en espoirs ou en seniors, alors que le haut niveau commence seulement à ce moment-là. Ce n'est pas grave si tu ne fais pas les compétitions internationales quand tu es jeune. Il y a plein d'athlètes qui viennent sur le tard comme Alice Finot, Nicolas Daru par exemple, et moi-même. Il faut surtout croire en soi ! Je ne pensais pas pouvoir m'entrainer à l'INSEP et au final c'était une fausse idée que j'avais. Je suis d'abord rentrée en tant que partenaire d'entraînement, comme Azeddine Habz ou Aude Clavier, par exemple. On a tous progressé et on a eu notre place au sein de l'INSEP. C'est vraiment une fausse idée de dire / croire que c'est un endroit ultra-fermé. »
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Bonjour Runix,
J’écris juste pour vous encourager dans votre aventure. Ce média est devenu une référence pour les épreuves de course et vous tenez au courant des milliers de personnes dans pleins de domaines. Vous faites un travail génial, votre accessibilité donne de la proximité avec les lecteurs et vous avez de bonnes idées.
On dit généralement ce qui ne va pas mais on oublie de dire aussi ce qui va bien donc je le fais !
Merci infiniment pour votre message de soutien ! 🤩
Totalement d’accord avec Edouard
Vous faites un excellent travail en nous partageant un contenu qualitatif et varié
Merci à vous pour le soutien 🙂
La FFA est un bunker contrôlé par une poignée d oligarques caporalistes, arrogants, méprisants pour les athlètes, sans le moindre respect pour les plus méritants d entre eux. Leur affairisme incompétent éclatera juste après la Bérézina inévitable de l athlé français aux Jeux. Il faut virer tte l équipe de technocrates genre Giraud qui prennent notre sport en otage depuis trop longtemps.