Interviews

Sur la route de Germain Grangier

En croisant la route des meilleurs athlètes français, on en apprend sans cesse sur ce sport et ces disciplines qui nous rassemblent. Ce nouveau format d'entretiens "express" retranscrit nos échanges avec les coureurs et coureuses que RUN'IX a croisé sur la route.

Il est l'un des meilleurs ultra-trailers français et son nom figure désormais dans l'histoire des plus grandes courses du globe, Germain Grangier nous parle de son parcours et de sa vision de l'entraînement à l'occasion d'un entrevue à la Sphaera House, un évènement organisé par son partenaire Oakley, à Paris.

Tu es l’auteur d’une saison 2023 exceptionnelle, avec notamment une 3ème place sur l’Ultra-Trail du Mont-Blanc derrière les deux américains Jim Walmsley et Zach Miller, ainsi qu’une 2ème place sur la célèbre Diagonale des Fous à la Réunion. Où en es-tu dans ton processus de récupération aujourd’hui ?

Après la diagonale j’ai pris un peu de repos, et comme chaque hiver je coupe à partir de fin novembre. Je n’ai pas couru depuis et j’ai repris les premiers footings la semaine dernière, à la mi-mars. L’hiver, je fais du ski-alpinisme et je peux en faire tous les jours. Ça me permet de travailler le côté Vo2max qui me sert l’été sur la saison de trail.

Comment la course à pieds et l’ultra sont-ils arrivés dans ta vie ?

Ça n’était pas vraiment prévu. Le sport est arrivé dans ma vie avec le ski alpin dans mes plus jeunes années. Plus tard, on a déménagé et j’ai découvert le VTT et le vélo de route dans lesquels j’ai beaucoup progressé jusqu’à atteindre le top niveau amateur vers 20 ans. Mais j’ai fini par me blesser, et je me suis lancé dans des études d’ingénieur en géologie. C’est en parallèle de ces études qui me prenaient beaucoup de temps et de cette blessure qui m’empêchait de rouler que j’ai commencé à courir. C’était un sport qui ne faisait pas mal, mais où je me suis vite rendu compte que j’avais besoin de progresser techniquement. En tant que cycliste, je n’avais pas le « châssis » adapté. Là encore, j’ai fini par me blesser. Pendant trois ou quatre ans, j’ai connu toutes les tendinites possibles et j'ai même dû me faire opérer. J’ai donc baissé le rythme le temps de finir mon diplôme d’ingénieur et de me soigner, et l’année de l’obtention du diplôme je participe à l’OCC à Chamonix, où je termine troisième de la course. Je n’avais jamais couru plus de 30 kilomètres avant ça ! C’est ce qui m’a poussé à envisager la course plus sérieusement maintenant que mes études étaient terminées.

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Toi et ta compagne Katie Schide êtes tous deux athlètes professionnels. Est-ce que c'est quelque chose d'important dans votre relation er votre carrière ?

Oui, c’est quelque chose d’assez important. Avec le temps, on oublie un peu ce que pourrait être une vie de couple plus « classique » où il faudrait faire des compromis. Dans notre cas, le sport fait entièrement partie de nos vies, on ne se pose même pas la question. C’est notre métier à tous les deux et c’est certain que ça comprend beaucoup d’avantages, notamment dans la possibilité de partager et d’échanger entre nous sur nos entraînements. Mais on fait aussi attention à essayer de garder une part de notre relation qui n’est pas consacrée au sport en se prenant des temps « off » où tout ne tourne pas autour de la course à pied. Par exemple, on ne s’entraîne pas ensemble assez souvent. Ça permet de garder les séances comme des moments à soi.

Est-ce que tu cours uniquement en montagne ou t’arrive-t-il de t’entraîner (voir de faire des courses) sur route aujourd’hui ?

J’ai surtout fait de la route et de la piste au début de ma transition entre le cyclisme et la course à pied. Avec mon coach, nous travaillions beaucoup la technique de course en faisant des gammes par exemple, pour que je trouve ma foulée et que je développe mon pied. Je suis allé faire quelques courses sur route, jusqu'au 10 kilomètres à l’époque. Mais ces dernières années, je mets véritablement l’accent sur le ski l’hiver, c’est ce qui reste le plus logique pour moi étant donné que j’habite à 1500 mètres d’altitude, et je reste sur les sentiers pendant ma saison de trail.

"L’année de l’obtention du diplôme je participe à l’OCC à Chamonix, où je termine troisième de la course. Je n’avais jamais couru plus de 30 kilomètres avant ça !​"

Germain Grangier

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Tu nous expliquais être en pleine reprise de la course à pied actuellement. Quel est ton volume kilométrique hebdomadaire ?

L’année dernière, j’ai fait une reprise qui était tout sauf progressive. Je suis passé de zéro à 140 kilomètres, et ça s’est bien passé. Mais cette année, je ne vais pas prendre ce risque. Je vais monter doucement vers mes semaines types qui se situent aux alentours des 180 kilomètres en pleine préparation. Ce qui m’intéresse, c’est d'avoir le minimum de stress pour le maximum d’adaptation. Pour moi, c’est la clé de l’entraînement. Donc c’est vrai que je ne suis pas celui qui fait le plus de « bornes » à l’entraînement, et que je préfère trouver de la logique dans celles que je fais. L’année dernière, ma plus grosse semaine devait se situer autour des 180 kilomètres. Avec mon coach, on préfère rester sur des choses simples, en faisant les choses intelligemment pour arriver frais le jour de la course.

En tant qu’athlète d’ultra-endurance, quelle est, selon toi, la partie la plus importante de l’entraînement ?

La préparation d’un ultra-trail, c’est toujours un compromis assez complexe. Actuellement, on a quand même moins de recul sur ce sport que sur le marathon, par exemple, où les processus de préparation sont bien connus. Lorsqu’on se prépare pour l’UTMB, on y va encore à tâtons, c’est encore empirique. Sur ce genre d’épreuve, il y a des coureurs qui viennent de beaucoup d’horizons différents. Certains font, comme moi, quatre mois de ski-alpinisme et ils arrivent en forme sur la saison à pieds, d’autres font du cross et ils arrivent aussi en forme que nous, … On est encore dans une espèce de flou artistique mais je pense que ça va s’affiner avec les années.

La dernière édition de l’UTMB aura (à nouveau) marqué les esprit avec une victoire historique du côté des hommes puisque c’est la toute première fois qu’un américain remporte la course. Les athlètes d'outre-atlantique ont-ils enfin trouvé la clé pour briller dans les montagne européennes ?

Effectivement. La course a déjà été remportée plusieurs fois par des Américains, mais c’est la première fois que des hommes la gagnent. De plus, il s’agit de profils d’athlètes qui courent beaucoup : Jim (Walmsley) et Zach (Miller) font énormément de volume. Mais ils ont dû s’y prendre à de nombreuses reprises ! Jim tente sa chance depuis 2017 et Zach l’avait déjà tentée avant lui. Je dois dire que lorsque j’étais en troisième position derrière eux l’année dernière, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que, comme à chaque fois, ça allait finir par craquer et qu’ils allaient s’écrouler. Mais en fait non ! Je pense qu'ils commencent vraiment à comprendre et appréhender la distance et surtout le terrain. Sur une course comme celle-ci, même si elle n’est pas ultra-technique, tu ne cours pas souvent dans les montées, il faut sortir les bâtons, être patient. C’est très différent des parcours roulants qu’on peut trouver aux États-Unis.

En fait, l’UTMB est une course qui s’apprend. Il faut peut-être y échouer une première fois, et ensuite prétendre à la victoire une fois qu’on a emmagasiné de l’expérience. Surtout que chaque édition est unique et que la course et les sensations peuvent être totalement différentes d’une année à l’autre. Quand tu regardes mon volume hebdomadaire et que tu le compares à celui de Zach et de Jim, tu vois que nous n’avons rien fait de similaire les mois qui précèdent la course. Et pourtant, on termine sur le même podium, à 25 minutes près. Et c’est ce qui est super intéressant dans ce sport !

"L’UTMB est une course qui s’apprend. Il faut peut-être y échouer une première fois, et ensuite prétendre à la victoire une fois qu’on a emmagasiné de l’expérience.​"

Germain Grangier

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